Bertrand de Goth, nommé archevêque de Bordeaux en 1299, reçoit à cette occasion le vignoble de La Mothe, propriété située à Pessac. Il gère avec application le domaine et l’agrandit. Désigné en 1305 par le conclave pour succéder à Benoit XI, il devient pape sous le nom de Clément V.
Il doit alors se séparer du domaine qui revient à l’archevêché de Bordeaux et prend le nom de "Pape Clément". Le domaine sera ainsi géré avec continuité et qualité pendant près de 5 siècles, sa production limitée étant réservée pour l’essentiel à l’usage de l’archevêché.
Le domaine, mis dans le domaine public par la Révolution, voit les propriétaires se succéder. Jean-Baptiste Clerc, qui l’acquiert en 1858, l’agrandit à 37 ha et, par sa gestion avisée, conforte la qualité des vins qui vient alors juste derrière celle de Haut-Brion.
A la fin du XIXème, les vins Pape Clément se vendent au prix des 2èmes Grands Crus Classés du Médoc.
Comme beaucoup, en raison des maladies de la vigne, des guerres et des crises économiques, auxquelles s’ajoutent en 1937 un dévastateur orage de grêle, le domaine décline ensuite pendant près d’une une cinquantaine d’années.
Il est sauvé de l’extinction complète par le vigneron Paul Montagne qui l’acquiert en 1939 et peu à peu lui permet de retrouver son rang avec l’assistance du grand œnologue Emile Peynaud. En témoigne notamment son classement en rouge comme Grand Cru Classé de Graves en 1959.
Théo Montagne succède à son père et partage aujourd’hui la propriété avec Bernard Magrez, gendre de Paul Montagne, qui en prend le contrôle en 1983. Le château est alors restauré et, avec le concours de l’œnologue Michel Rolland, des efforts considérables sont déployés depuis pour améliorer encore la qualité des vins. La direction d’exploitation est aujourd’hui assurée par Patrick Hateau.
Situé à Pessac, à quelques kilomètres de Bordeaux, le vignoble de 32,5 ha s’étend sur un mélange de sols gravelo-sableux et de sols argilo-calcaires sur sous-sol calcaire riche en fer. L’encépagement rouge (30ha) est constitué de Cabernet sauvignon (60%) et de Merlot (40%), le blanc (2,5 ha) de Sauvignon blanc et Sémillon (45% chacun) complété par la Muscadelle (10%).
L’âge moyen des vignes est en rouge de 40 ans et en blanc de 18 ans. La densité de plantation est forte, variant de 7.700 à 9.000 pieds/ha et contribuant ainsi, avec l’enherbement des parties argileuses, à une concurrence favorable à un mûrissement de qualité. Des travaux réguliers de taille, d’effeuillage et d’éclaircissage favorisent une croissance saine et mesurée des grappes. La défense des vignes suit les principes de l’agriculture raisonnée.
Le domaine produit dans les deux couleurs un second vin "Le Clémentin du Pape Clément" (46% Cabernet Sauvignon, 49% Merlot, 3% Cabernet Franc, 2% Petit Verdot) que nous allons déguster ce mercredi, ainsi qu’un troisième vin en rouge "Le Prélat de Pape Clément".
Qu’est qu’un second vin ?
Le second vin d'un domaine provient du même terroir que le grand vin et bénéficie comme lui de la même attention lors de son élaboration. Souvent aussi, le deuxième vin est issu de parcelles destinées, dans quelques années, à faire le grand vin.
La différence réside dans ses qualités intrinsèques : il n'a pas en effet la puissance ni la complexité de son aîné car il est généralement issu des parcelles les plus jeunes. C'est un peu le grand vin en modèle réduit en quelque sorte, le même avec un peu moins de tout : moins de longueur, moins de finesse, moins d'expression.
La démarche en tout cas est courante, et pas nouvelle. D'abord réservé aux crus classés du Bordelais, le phénomène s'est répandu. Le Château Pichon-Longueville Comtesse de Lalande a trouvé dans ses archives trace de l'envoi de son second vin à l'Exposition de Moscou, en 1874. Et le Pavillon Rouge de Château Margaux, seconde étiquette du Premier cru classé de Margaux, existe depuis 1908.
Le second vin peut constituer une excellente affaire, plus immédiatement accessible. Et certains domaines proposent même un troisième vin !
Les millésimes dégustés :
2006
Robe rouge violacée, foncée et dense
Nez fruité, sous-bois et champignons
Bouche puissante, tannins et matière présents, bonne longueur, finale toastée mais légèrement desséchante(Jeunesse). Un vin à attendre pour plus de souplesse.
Note : 14/20
2004
Robe idem à celle du 2006
Nez superbe, arômes de café, chocolat, bois précieux, truffe, complexe et expressif
Bouche souple et équilibrée mais petit manque de puissance, longueur correcte et finale fruité. A boire.
Note : 13,5/20
2002
Robe rouge grenat, bordures orangées à tuilées
Nez champignons, truffe, animal, musc, cuir, toute la palette tertiaire
Bouche superbe d’équilibre sur la torréfaction et le fruitée, bonne longueur, finesse, finale fruitée. Bien à boire mais avec du potentiel de garde à la différence du 2004.
Note : 15/20
1990
Robe orangée tuilée, marquée par l’âge
Nez tout en finesse sur la rose fanée, la torréfaction, bois précieux, cire, meubles anciens
Bouche superbe de finesse et équilibre, bonne longueur, persistance torréfiée et finale soyeuse. A son apogée et superbe à boire.
Note : 18/20
Château Pape Clément 1996
Patrick avait voulu nous faire une agréable surprise en glissant ce Pape Clément dans un grand millésime de surcroit, malheureusement, le vin était totalement abimé. Dommage !!
Domaine de Chevalier 2004
Robe rouge violacée, foncée et dense
Nez animal, assez discret puis légèrement sous-bois, café et torréfaction. Demande de temps pour se révéler
Bouche superbe, finesse et équilibre, très belle longueur, tannins fondus mais matière présente, finale sur un mélange boisé et fruité. Déjà fort agréable à boire mais à attendre pour encore plus de plaisir.
Note 16,5/20