Cela faisait déjà un moment qu’il parlait de se rencontrer pour goûter à ses « vieux », pardon âgés, millésimes de Château Mouton Rothschild.
Et comme certains ne voyaient rien venir, telle l’arlésienne, ils pensaient que jamais ils ne boiraient ces fameux flacons.
Mais tout arrive à point à qui sait attendre.
Et les sept chanceux convives de ce dîner, plus que parfait, n’ont pas regretté d’avoir patienté.
Conserver de longue date.
Trois des quatre bouteilles dégustées, les millésimes 1968, 1966 et 1964, ont été achetées au début des années 90, c’était à une autre époque surtout en terme de tarif, à la boutique de Peter Thustrup qui se trouvait au 30 Av. de l’Opéra à Paris et conservées dans ma cave en Martinique pendant ces longues années.
La quatrième, 1967, ayant été acquise plus récemment sur eBay.
Merci M. le Baron
Que dire, sinon une fois de plus quand c’est grand, c’est grand. Les quatre vins ont franchi le temps sans que les années n’aient de prise sur eux, si ce n’est de les bonifier. Et mise à part une petite pointe oxydative sur le 1964, ce fut tout simplement grandiose.
Les vins dégustés
Château Mouton Rothschild 1968 : « Sauvé des pavés »
Robe rouge grenat foncée, dense, marquée par l’age mais sans plus, ni trouble, ni abîmée
Nez de griottes, fumé, havane, bois précieux, expressif et complexe.
Bouche superbe, équilibrée, corps et matière fondus mais présents, attaque sur la fraîcheur et acidité, persistance sur la cerise à l’eau de vie, un peu d’alcool, finale agréable, belle longueur. Le vin ne donne pas l’impression d’avoir 42 ans.
Château Mouton Rothschild 1967 : « Année de naissance »
Robe rouge grenat, orangée, tuilée, plus marquée par l’âge
Nez sur l’évolution, café, chocolat, cacao, boisé et puissant.
Bouche avec plus de corps mais un peu moins de finesse et un peu plus court, mais belle finale et persistance aromatique sur le café et le chocolaté. Même s’il fait un plus son âge que le 68, tout cela reste remarquable de fraîcheur.
Château Mouton Rothschild 1966 : « Grandissime !!! »
Oh là là, la « bombe » de la soirée. On joue vraiment dans la cour des très grands
Robe rouge grenat, tuilée, orangée
Nez tout en finesse et élégance, sur le chocolat, le bois précieux, le havane, le fumé, complexe et expressif.
Bouche à l’identique du nez, jouant sur le registre de la finesse et de la classe, très belle longueur, corps et matière fondus mais équilibrés, du havane, du bois précieux de l’élevage, du minéral et de la fraîcheur, de la jeunesse (alors qu’il a 44 ans) qui nous donnent le sentiment que ce vin peut encore attendre et évoluer. Superbe.
Château Mouton Rothschild 1964 : « Dommage »
Robe rouge grenat sombre et foncé, la plus dense de toutes
Au premier nez, la pointe oxydative arrive puis elle s’estompe légèrement pour laisser la place aux odeurs d’évolution, torréfaction, café et chocolat, le bois précieux et le havane, mais cette présence désagréable gâche l’harmonie de l’ensemble.
La bouche exprime la même problématique. Vin plus marqué par l’âge, finale sur la liqueur de cerise. Dommage.
Le magret de canard et les pommes sautées n’ont pas servi que de faire valoir à ces magnifiques flacons. Une soirée mémorable, si bien que j’ai failli oublier de dire deux mots de l’excellent Clos Rougeard « Chacé », Saumur blanc de 1998, bu à l’apéritif. On passe sur le dessert pour ne pas faire trop d'envieux.
Boire de tels vins, un soir sur une terrasse à Ducos en Martinique, à plus de 7000 Km de leurs lieux de production, me fait me dire qu’on est quand même des sacrés petits veinards.