Aux premiers jours de l'histoire des crus classés, il n'y avait pas de seconds. On sélectionnait les barriques en fonction des acheteurs ou des destinataires (parfois, le meilleur était réservé à la famille).
Ce système a prévalu pendant fort longtemps, jusqu'à ce que chaque propriétaire adopte la mise en bouteille au château. Celle-ci, généralisée après les années 50, a imposé peu à peu une qualité unique de vin à la sortie du château. Parallèlement, la plupart des crus classés se sont agrandis depuis 1855, ont racheté ou échangé des parcelles.
Si bien qu'à l'orée des années 80 les châteaux se sont retrouvés avec des volumes importants, la nécessité de hausser la qualité face à une demande forte mais exigeante, et la responsabilité pleine et entière de cette qualité.
Plus question de botter en touche en accusant le négociant de négligence lors de la mise en bouteille, celle-ci désormais était de la compétence du propriétaire. Il y avait donc nécessité de profiter des surfaces et des volumes plus importants qu'autrefois pour ne retenir sous le nom du grand vin que le meilleur de la récolte.
Ou plus précisément ce qui donne le meilleur assemblage. Certaines cuves parfaitement réussies mais jugées trop riches et pouvant déséquilibrer l'assemblage ou ajouter une pointe de "vulgarité" au grand vin sont donc exclues.
Si rapidement, dans la décennie 90, la presque totalité des châteaux a opté pour le second vin, tous n'en donnent pas la même définition. Léoville-Las-Cases (avec Le Clos-du-Marquis), Palmer (Alter-Ego) notamment préfèrent évoquer un « autre » vin, produit, dans le premier cas, sur un parcellaire à peu près identique chaque année.
L'idée étant de développer une marque propre, sinon indépendante, du moins à l'identité forte. Latour commercialise un « troisième » vin, le Pauillac de Latour, qui démontre si besoin était que les Forts de Latour ne sont pas le trop-plein du château mais une sélection bien particulière.
D'ailleurs, les seconds vins, en principe, ne sont pas (ou plus) la déchetterie des cuviers. Tout ce qui est jugé indigne de porter la signature du château, grand, second ou troisième, est vendu anonymement en citerne au négoce.
Depuis quelques années, les propriétaires se sont rendu compte que le second vin était à plusieurs titres un atout. Vendu rapidement, et en général à un prix soutenu, il est d'un bon rapport.
Ensuite, il assure la promotion du château. C'est un tremplin, un ambassadeur formidable à condition d'être réussi.
Les châteaux ont bien compris tout l'intérêt qu'il y avait à soigner le second et à réussir un assemblage bien particulier. Il ne doit être ni un ersatz ni le « cadet » du grand, mais un aperçu savoureux, une signature du savoir-faire.
1998 : un millésime de bonne qualité
Un climat chaud et sec a permis d'obtenir une parfaite maturité des raisins avec des peaux épaisses qui les ont protégés lors des pluies torrentielles de septembre. Les grands châteaux, pratiquant une sélection rigoureuse, ont produit des vins fins, élégants et complexes.
Les Pomerol et Saint-Emilion des vins puissants et veloutés. Les Graves et Margaux possèdent davantage de fruit et de finesse que les autres crus. Les liquoreux, moins complets qu'en 1997, sont dans l'ensemble fruités et élégants.
Les vins dégustés :
Virginie de Valandraud 1998 – Château Valandraud Grand cru classé Saint-Emilion
Robe rouge grenat tuilée en bordures, dépôts
Nez empyreumatique, fumé, cigare, café, sous-bois, expressif et complexe
Bouche agréable, équilibrée, finesse, fruits noirs surmuris, belle longueur, finale boisée, tannins fondus, vin rond et abouti, à boire.
Note : 16/20
Le Petit Mouton 1998 – Château Mouton Rothschild 1er Grand cru classé Pauillac
Robe rouge violacée, foncée et dense, bordures orangées
Premier nez discret, lacté, fraise, peu expressif
Bouche légère, creux marqué en milieu de dégustation, peu de puissance et corps, finale diluée, s’améliore légèrement avec l’aération mais vraiment pas à la hauteur d’un second vin d’un premier cru classé de Pauillac.
Ce Petit Mouton 98 confirme l’impression générale que m’a toujours laissée ce vin, bien modeste pour une si grande maison !!
Note : 13,5/20
Petit Cheval 1998 – Château Cheval Blanc Grand cru classé A Saint-Emilion
Robe rouge violacée, foncée et dense, bordures orangées
Nez torréfié, café grillé, champignons, sous-bois, expressif sur des arômes tertiaires
Bouche tout en finesse, équilibre, tannins et matière fondus, très belle longueur, persistance fruitée, et finale sous-bois. Superbe, à boire car apogée.
Note : 17/20
Les Forts de Latour 1998 – Château Latour 1er Grand cru classé Pauillac
Robe rouge violacée, foncée et dense, bordures orangées
Nez fumé, grillé, sous-bois, cigare, expressif
Bouche phénoménale d’équilibre et finesse, tout est là et en place, rondeur, belle longueur, persistance fruitée et finale grillée. Superbe à boire pouvant attendre 2 à 3 ans.
Note : 18+/20
Les Carruades de Lafite 1998 – Château Lafite Rothschild 1er Grand cru classé Pauillac
Robe rouge violacée, foncée et dense, bordures orangées
Nez lacté, beurré, bois, fruits noirs mûrs, jeunesse pas d’arômes d’évolution !!
Bouche puissante maitrisée, belle longueur, fraicheur fruitée, finale au boisé élégant, superbe à boire mais à attendre pour encore plus de plaisir.
Note : 17+/20
Superbe dégustation et repas (Entrecôtes marchand de vin et gratin dauphinois) pour accompagner ces merveilleux vins qui ont conclu en beauté notre année de dégustation.