Pour vivre heureux vivons cachés. Ce dicton populaire pourrait être celui d'Emmanuel Reynaud, qui dirige aujourd'hui le Château Rayas, et qui est à l'origine du très recherché vin du même nom, un Châteauneuf-du-Pape 100% grenache, distribué au compte-gouttes à quelques chanceux à travers le monde.
Au bout d’une route que personne n’a songé à goudronner à la sortie de Châteauneuf-du-Pape, alors qu’on se croit perdu, apparaît à travers le branchage sec une petite pancarte rouillée : Caves du Château Rayas.
Le vigneron de Châteauneuf-du-Pape a la réputation de ne pas être commode. Plus facile quand même que son oncle, Jacques Reynaud, qui s’est occupé du domaine de 1978 jusqu’à son décès en 1997. Lui retirait les panneaux indicateurs. Menaçait de sortir le fusil devant les visiteurs.
Et faisait parfois passer un test de dégustation au client, en lui proposant sans rien dire du vin de la coopérative voisine. Si l’amateur faisait part de son désappointement, alors seulement il lui servait du Rayas.
Au grand critique américain Robert Parker, qui lui demandait le secret d’un vin si exceptionnel, il aurait répondu : « C’est le vignoble et les petits rendements, imbécile ! »
De la vinification, on sait peu de chose. « Le vin, c’est simple, c’est le fruit dans son élément. C’est tout. » Le vigneron déplore que la nature humaine veuille tant contrôler, maîtriser, agir. « Je ne suis pas comme ça, je m’efface derrière le terroir. C’est la nature qui fait tout. Je veux proposer un vin au fruit le plus pur possible ».
Dans le chai, les fûts n’ont plus d’âge – des nouveaux pourraient donner un goût de bois qui gâcherait la pureté. « Le raisin et la vigne font partie de la création. Et tout est magnifique dans la création. Je la respecte ».
« Je suis un locataire de la création. Tout cela ne m’appartient pas vraiment. Mais il m’appartient de l’entretenir et de le partager ».
C’est sa seule ligne de conduite.
Château Rayas est le plus connu des trois domaines d’Emmanuel Reynaud, qui produit la cuvée classique et Pignan, issu d’une parcelle du domaine.
Château de Fonsalette est à 30 km au nord de Châteauneuf-du-Pape. Ce domaine en appellation Côtes-du-Rhône est le fidèle petit frère de Rayas : 10 hectares exposés nord eux aussi, accolés aux bois, battus par le mistral froid, qui produisent des vins dans le même esprit de finesse et d’une qualité également admirable.
Depuis 1989, Emmanuel Reynaud commercialise les vins d’une troisième propriété achetée par la famille dans les années 1930 : le domaine des Tours, à 10 km de Rayas, du côté du Ventoux.
« Je suis fier d’avoir ce domaine pour ceux qui ont un petit porte-monnaie, affirme-t-il. On peut aimer le vin sans être riche. Ce sont des vins simples, des vins de plaisir mais on y sent la nature et le fruit. »
A ne pas rater pour découvrir le travail du vigneron.
Les vins dégustés :
Château de Tours Côtes du Rhône 2009 (Grenache 65%, cinsault 15% et
syrah 20%)
Couleur rouge grenat légèrement évolué
Nez de fruits mûrs, groseille, cassis, notes de fumée et grillé
Bouche puissante, fruits mûrs, alcool, bonne longueur, finale fruitée. A boire pouvant attendre.
Note 13,5/20
Château de Tours « Vacqueyras » Côtes du Rhône 2007 (Grenache 80% et syrah 20%)
Couleur rouge grenat
Nez finesse, champignons, terre humide, feuilles mortes
Bouche finesse, bel équilibre entre fruits et alcool, bonne longueur, finale sur les fruits confits. A boire.
Note : 14/20
Château de Fonsalette Côtes du Rhône 2004 (Grenache 50%, cinsault 35% et
syrah 15%)
Couleur rouge grenat orangé, évolution marquée
Nez fruits rouges, cerise, réglisse
Bouche superbe, finesse, équilibre, notes de réglisse, finale fruitée, à boire pouvant attendre.
Note 15/20
Château de Fonsalette Côtes du Rhône 2003
Couleur rouge grenat orangé, évolution marquée
Nez sous-bois, feuilles mortes, réglisse, Zan
Bouche phénoménale, équilibre et finesse tous les éléments sont en place, grande longueur et finale entre fruits mûrs et torréfaction avec belle persistance. Un grand vin déjà fort agréable à boire et pouvant encore évoluer.
Note 17,5/20
Château Pignan « Châteauneuf-du-Pape » 2003 (Grenache 100%)
Couleur rouge grenat orangé marqué par l’évolution
Nez discret qui ne va jamais se dévoiler
Bouche superbe, équilibre et finesse, beaucoup de fraicheur (légèrement perlant), grande longueur et finale fruitée. Bien à boire
Note : 17/20